Vers une hausse inéluctable des prix de l’immobilier à long terme...
Depuis la loi Climat et Résilience mise en place en 2021, l’objectif ZAN (zéro artificialisation nette), l’un de ses axes majeurs, est loin de faire consensus avec des conséquences importantes, notamment sur nos territoires rurbains.
De fait, malgré une visée a priori vertueuse, la méthodologie employée montre de nombreuses failles et cela n’est pas sans effet sur le logement, bien au contraire…
On vous explique !
L’objectif ZAN - pour zéro artificialisation nette - figure parmi les mesures phares définies dans le cadre la loi Climat et Résilience adoptée en août 2021.
Ce dernier est fixé en deux temps : il comprend une première phase qui vise à diviser par deux le rythme d’artificialisation des sols d’ici 2030 et une seconde qui doit mener d’ici 2050 à une artificialisation nette égale à zéro.
Pour atteindre cet objectif ambitieux, les communes doivent donc restreindre les projets de constructions au périmètre des zones déjà urbanisées.
Pour reprendre les termes du Ministère de la Transition écologique, l’artificialisation des sols est un “phénomène qui consiste à transformer un sol naturel, agricole ou forestier, par des opérations d’aménagement pouvant entraîner une imperméabilisation partielle ou totale, afin de les affecter notamment à des fonctions urbaines ou de transport (habitat, activités, commerces, infrastructures, équipements publics…).»
En France, on estime que les surfaces dites “artificialisées” représentent un peu moins de 10% du territoire. Les terres agricoles quant à elles en occupent 50% alors que les 40% restants correspondent à des surfaces naturelles ou forestières.
Mais, il faut savoir qu’à l’heure actuelle, la définition de l’artificialisation proposée par le gouvernement est loin de faire consensus, notamment chez les urbanistes, avec un certain nombre de questions comme celle d’inclure ou non les pelouses des jardins des maisons individuelles comme des zones non artificialisées, ce qui pourrait nettement changer la donne…
Un impact pour les constructeurs de maisons individuelles, les promoteurs et in fine les candidats au logement.
L’objectif ZAN vient mettre un terme définitif au développement des communes en contraignant les territoires à leur périmètre déjà urbanisé.
Les maires sont pris en étaux entre la nécessité de construire (pour la pérennité et le dynamisme de leur village) et la difficulté de trouver des terrains dans un périmètre très limité. Une situation d’autant plus difficile, voire injuste, pour les maires de communes encore peu développées dont les friches sont quasi inexistantes. En effet, il est plus facile de “reconstruire la ville sur elle-même” pour une grande agglomération que pour un village en zone rurale...
Pour l’Association des Maires de France, ces textes ont été « publiés dans la précipitation, sans étude d’impact » et malgré « deux avis défavorables du Conseil national d’évaluation des normes, dans une approche de recentralisation rigide ».
En effet, l’urbanisme relevant de la compétence des maires, ce sont eux qui délivrent les permis de construire et définissent les règles de construction à travers leur PLU (Plan local d’urbanisme). Mais avec l’objectif ZAN, cela vire au casse-tête et de nombreux projets sont aujourd’hui à l’arrêt.
Pour les acteurs de terrain, le gouvernement est allé trop vite et n’a pas suffisamment anticipé les conséquences ni le financement d’une telle mesure.
Ainsi, dans la mesure où les besoins fonciers varient énormément d’une zone géographique à l’autre, il devient crucial d’envisager une territorialisation du ZAN avec une adaptation au niveau local.
Au-delà des difficultés rencontrées par les maires et les professionnels du BTP et l’immobilier, le ZAN inquiète surtout quant à ses effets délétères sur le marché du logement. Des effets qui risquent malheureusement d’aggraver la crise existante avec une pénurie de plus en plus inquiétante partout dans notre pays.
Sans surprise, l’impact sera d’autant plus important sur le marché de la construction de logements neufs et notamment de maisons individuelles. De fait, les terrains à bâtir se feront plus rares et la surface moyenne de ces derniers devrait se voir encore diminuer, alors que leur prix, eux, ne cesseront d’augmenter.
Pour François Rieussec, Président de l’Union Nationale des Aménageurs, si l’on applique le ZAN dans sa forme actuelle, alors que nous devons encore créer entre 12 et 15 millions de logements d’ici 2050 (ce qui correspond à la fin estimée de la croissance démographique), nous serons fatalement dans l’impossibilité de répondre à la demande.
Un problème d’autant plus grave que le marché est déjà très tendu en raison de différents facteurs qui viennent s’ajouter à l’accroissement démographique, comme la décohabitation des ménages, l’exclusion des logements vétustes ou encore l’augmentation des coûts de rénovation…
Par conséquent, si malgré la pénurie de biens immobiliers, les politiques d’urbanisme actuelles sont mises en œuvre, une hausse des prix de l’immobilier à long terme est inévitable…
Si le ZAN fait tant débat, c’est notamment pour son caractère idéologique et rigide qui impose le dogme de la densification comme unique voie de salut, sans prendre en compte la diversité des territoires, tant dans leur typologie, que dans leurs besoins et problématiques.
C’est aussi nier la réalité de ces dernières années avec le phénomène de rurbanisation - néologisme désignant le peuplement des villages à proximité des villes par les personnes qui y travaillent - qui permet à de nombreux foyers d’accéder à un logement (ce qui s’avère de plus en plus compliqué en zone urbaine) tout en gagnant en qualité de vie, faisant par là même renaître de petites communes au bord de la désertification.
De plus, le concept d’artificialisation qui n’est toujours pas défini juridiquement pose de vraies questions. De nombreux professionnels de l’urbanisme déplorent un manque de nuance avec une vision purement quantitative là où elle devrait être qualitative avant tout.
On constate par exemple que les parcs et jardins ne sont pas comptabilisés comme zones non artificialisées alors que l’on compte 13 millions de jardins potagers de particuliers (produisant entre 15 et 25% des fruits et légumes consommés en France). De fait, la ville est loin d’être stérile et 100% artificielle.
À l’inverse, on ne prend pas en compte comme zones artificialisées les terres agricoles qui dans certains cas (avec l’agriculture intensive notamment) sont toutes aussi imperméables que les sols urbains et tout aussi - voire plus - nuisibles pour la biodiversité.
Ainsi l’urbaniste Jean-Marc Offner interroge : «Un golfe est-il artificialisé ? Et une terre cultivée ? Quid de l’imperméabilisation, de la biodiversité ? Les vignes du Médoc sont bien moins poreuses qu’un lotissement bien conçu ! Et si les routes sont mauvaises pour la biodiversité, les forêts en monoculture aussi.»
Par ailleurs, avec cette vision raccourcie, on entre en contradiction avec la nécessité de végétaliser davantage nos zones urbaines pour conserver des îlots de fraîcheur. Une démarche qui s’avèrerait bien plus complexe si l’on est obligé, in fine, de bétonner les espaces verts…
Pour Yannick Sauvignet, associé fondateur du Groupe Valdor, cette approche idéologique, ne va pas sans rappeler les préceptes de Le Corbusier
Le Corbusier prônait la densification et la verticalisation des villes à travers la construction de grands ensembles en béton. Une vision dogmatique, voire autoritariste, faisant fi de la réalité de terrain et des besoins humains, et dont on connaît aujourd’hui les méfaits.
C’est ainsi que la “cité radieuse” devint “cage à lapins” et que, pour beaucoup, cette vision “corbuséenne” et socialiste de l’urbanisme contribua à défigurer nos villes et à créer nos « cités », véritable univers carcéral de béton et d’asphalte (avec l’impact que l’on connaît sur la qualité de vie des habitants et la dégradation des banlieues…).
Un triste héritage qui montre bien les risques d’une vision trop généraliste et technocratique et l’impérieuse nécessité d’adapter le ZAN aux spécificités de nos territoires…
La question se pose aujourd’hui sur notre territoire rurbain et plus spécifiquement sur notre secteur des Pierres Dorées, du Val de Saône, des Mont d’Or, de la vallée d’Azergues et du Beaujolais : n’est-il pas préférable d’envisager un étalement pavillonnaire maîtrisé, plutôt que de créer des immeubles dans nos villages et accroître de ce fait les inégalités du droit au logement sous prétexte de mixité de l’habitat ?
Bref, à l’instar des quartiers que nos politiques préconisent de créer dans nos villages, les prix n’ont pas fini de flamber…